Andreya Triana, tout en douceur…

The Fugees – Killing Me Softly With His Song
27 mars 2011
Bonobo & Andreya Triana, en concert au Trianon (Paris)
29 mars 2011

Tout droit venue d’Angleterre, Andreya Triana publiait son premier album, Lost Where I Belong, en août dernier. Façonné par le producteur Simon Greene, plus connu sous le nom de Bonobo, Lost Where I Belong est un délicieux recueil de balades à la soul mélancolique, tantôt parsemées de Pop, tantôt assaisonnées de Trip-hop.

Auteur, compositrice et interprète, l’artiste à l’univers doux, poétique et teinté de bleu ne laisse pas insensible. Quelques heures avant son concert à La Machine du Moulin Rouge, en mars dernier, SoulRnB.com a rencontré la charmante Andreya Triana…

Hello Andreya ! Tu vas bien ? Hey ! Ca va super, merci !

Qu’est-ce qui t’a motivée à te lancer dans une carrière artistique ? Hum, je ne parlerais pas de “motivation” au sens premier du terme mais plus d’un feeling. Je dévore la musique depuis mon plus jeune âge, j’adore ça et cette passion n’a fait que s’intensifier au fil du temps, donc je crois que c’est venu très naturellement. C’était tout simplement un besoin pour moi d’en apprendre encore plus et de partager.

Quel est ton parcours ? J’ai commencé à chanter très jeune, j’ai fait l’apprentissage, seule, de plusieurs instruments comme la flûte, le violon, le saxophone. Bon, j’en joue à mon niveau, je ne suis pas une grande musicienne (rires), mais j’ai appris sur le tas, de manière autodidacte. Adolescente, j’ai joué dans des groupes avec qui je me produisais régulièrement. Par la suite, j’ai participé à la Redbull Music Academy, où j’ai rencontré beaucoup de nombreux musiciens et producteurs, j’ai collaboré avec certains et j’ai ainsi développé mon réseau. Puis j’ai rencontré Bonobo, qui a produit mon album, c’était en 2006. On a fait quelques morceaux ensemble, notamment sur son EP Black Sands.

Ton premier album, Lost Where I Belong, est sorti en août dernier. Je l’ai trouvé très doux, mélancolique et apaisant. Comment as-tu composé tes morceaux ? Oh tu sais, il n’y a vraiment rien de spécial. Juste moi, mon lit et ma guitare (rires). J’ai tout écrit moi-même, de la manière la plus simple qui soit, exceptés deux titres où j’ai travaillé avec un songwriter. Tout le reste est entièrement de moi. J’ai pas mal composé la nuit, les morceaux sont très intimistes et spontanés.

Tout reflète cette simplicité et cette intimité dans l’album : les visuels inspirent la mélancolie et rappellent ces vieilles photos des années 60 et 70, ton univers paraît très doux et romantique. Était-ce délibéré de recréer cet univers ? Je pense que j’ai simplement voulu être honnête avec moi même et avec ce que je fais, sans avoir véritablement conscience de comment l’album devait sonner. J’ai travaillé sur cet album et savouré sa progression au fur et à mesure, je l’ai laissé se dessiner petit à petit, sans forcer. L’album aurait pu partir dans des milliers de directions, par chance, il a abouti à un résultat qui me plait vraiment et me ressemble, en quelque sorte.

Pourquoi avoir choisi d’appeler cet album “Lost Where I Belong” (qui est aussi un des titres de l’album) ? Que signifie ce titre pour toi ? “Lost Where I Belong” parle d’une introspection personnelle, ce genre de moments dans la vie où tu es submergé de questions existentielles. Tu sais, pendant un moment, j’ai enchaîné les petits boulots, le genre que tu fais par nécessité car tu dois manger et payer tes factures, mais pas par envie. A côté de ça, j’avais ma musique mais je ne pouvais pas encore en vivre, donc j’étais vraiment dans une période de doutes, y compris sur le plan créatif où je remettais tout en question. De façon générale, je me posais tout un tas de questions sur ma place dans ce monde, sur ce que je faisais, etc. Cette chanson parle de tous ces doutes qu’on peut avoir. Aujourd’hui, j’adore ce que je fais, j’adore faire de la musique, ça ne veut pas dire pour autant que je n’ai pas des moments de blues et de cafard. Aujourd’hui ça fonctionne, mais tout n’est pas venu facilement, je suis passée par ces phases (ndlr, elle prend un air désespéré sur le ton de la plaisanterie) “Mais qu’est ce que je fais ? C’est ridicule, ça ne va jamais marcher !” (rires), tu vois quand toutes ces émotions s’emmêlent. “Lost Where I Belong” veut tout simplement dire que je sais qui je suis et d’où je viens, mais que parfois je me sens confuse et un peu perdue. Qu’aurait été ma vie si je n’avais pas chanté ?

Un thème très universel… D’ailleurs, j’aime vraiment les titres de tes chansons, tellement plein de poésie ! Tu as déjà écrit des poèmes il me semble ? Oh merci pour le compliment (rires), oui j’écrivais des poèmes quand j’étais plus jeune.

On sent une multitude d’influences sur ton album : de la soul, du jazz, des pointes de folk, et de trip-hop par moments. Était-ce un choix de proposer un album avec autant de nuances et de ne pas t’enfermer dans un registre musical bien défini ? Oui, absolument. Comme je te le disais tout à l’heure, j’ai fait cet album sans vraiment calculer, sans vraiment chercher à ce qu’il ait telle ou telle couleur, tu vois ? L’album a été conçu au fur et à mesure de mes émotions, de mes compositions. Un jour, tu es super heureux et le lendemain, tu es triste. L’album est partagé entre ces émotions contradictoires. Je n’ai pas voulu faire un type de musique spécifique, tout s’est fait tout seul, au feeling. Je n’ai utilisé aucun sample sur l’album, tous les titres ont été enregistrés en live, c’était important pour moi.

Quelles sont tes influences musicales ? J’écoute beaucoup de choses, il y a énormément d’artistes et musiciens talentueux qui m’inspirent. J’aime Jamie Lidell et Bjork. Il y a aussi Martina Topley Bird dont je suis une grande fan. Elle est géniale ! Je pense être une chanteuse très éclectique, un peu folle et bizarre aussi (rires).

Et à l’avenir, si on t’offrait la possibilité de collaborer ou chanter avec un de tes “modèles”, ça serait qui (rires) ? Oh Stevie Wonder, ça serait assez énorme non (rires) ? Et sinon, Danger Mouse, de Gnarls Barkley. C’est un incroyable producteur, il peut travailler n’importe quel type de musique, le résultat est toujours au top. Il a une touche unique. Ca serait extraordinaire de travailler avec lui, vraiment.

En parlant de collaboration, peux-tu nous en dire plus sur ta rencontre avec Bonobo ? Et bien, nous nous sommes rencontrés en 2006, à l’époque je rentrais tout juste d’Australie, où j’étais partie étudier. Il avait entendu mon titre avec Flying Lotus et nous avions quelques amis en commun. L’un d’entre eux m’a dit “Oh Bonobo cherche une chanteuse en ce moment, est-ce que ça te tente ?” et moi “Oh ouais, pourquoi pas, pourquoi pas ?” Le jour venu, j’étais tellement nerveuse, oh mon Dieu (rires)… Mais plus que jamais, j’ai vraiment passé un bon moment, tout s’est super bien passé, on est devenu très amis et j’ai souvent collaboré avec lui avant qu’il produise entièrement mon premier disque.

On ressent cette alchimie sur l’album en tout cas. Comment s’est déroulé l’enregistrement ? Est ce qu’il travaillait de son côté ou est ce que tu as pu donné tes directives ? J’ai écrit tous les titres chez moi, tu sais, moi et ma fameuse guitare (rires), puis j’amenais tout ça au studio et on essayait, on voyait ce qui collait, ce qui ne collait pas. Je chantais sur les instrus pour voir ce que ça donnait, si ça fonctionnait ou s’il fallait au contraire changer quelque chose.

Parallèlement à ta carrière solo et donc à tes concerts solos, tu continues de te produire avec Bonobo, que t’apportent ces deux types d’expériences scéniques ? Et bien, tout est question de taille, de moyens mis en œuvre. Les shows de Bonobo sont beaucoup plus gros que les miens. Mes shows sont plus intimistes, je suis peut être plus proche du public. Bonobo a un band beaucoup plus volumineux, ses shows s’apparentent davantage à de vrais concerts, ils sont plus “spectaculaires” et intensifs que les miens. Et c’est vraiment enrichissant d’avoir ces deux pratiques. J’ai pu voir autre chose, m’affirmer davantage et de la sorte, je peux aussi dévoiler plusieurs facettes de ma personnalité.

Ton album est sorti sur le label Ninja Tune, sur lequel tu es signée depuis peu, qu’est-ce que ça a changé dans ta vie d’artiste de rejoindre ce gros label ? Je crois que ça a changé pas mal de choses. J’ai la chance d’avoir pu intégrer un label qui n’a fait qu’élever et soutenir ma créativité. J’ai appris, j’ai progressé. Ninja Tune est un label qui encourage ses artistes et les pousse à se développer, à donner le meilleur. On croit en toi et on fait en sorte de pousser ta musique et de faire avancer tes projets. C’est vraiment une belle opportunité pour moi d’avoir rejoint ce label, l’équipe est extra.

Tu es la première artiste féminine du label il me semble…Oui, je crois bien… (rires)

En France, on a une scène soul mais elle reste encore très underground, sans véritable exposition médiatique, à l’exception de quelques très rares artistes qui tirent leur épingle du jeu. Qu’en est-il en Angleterre ? Est-ce que cette scène existe, est-ce qu’elle est prise au sérieux ? Quelle est ton opinion sur tout ça ? De nos jours, il y a pas mal de personnes qui disent “Oh l’industrie musicale est en train de mourir”, et j’ai envie de leur répondre “Non, je ne suis vraiment pas d’accord”. Parce que je sais qu’il y a encore plein de gens qui se déplacent aux concerts, qu’il y a encore beaucoup de passionnés de musique, qui en achètent, en consomment. Non, la musique est bien vivante. Alors oui, en termes de soul, les choses sont surement encore trop confidentielles alors qu’il y a définitivement des talents incroyables qui méritent bien plus de reconnaissance. Mais finalement, je crois que ce constat s’observe dans tous les genres musicaux et pas seulement en soul. Ca dépend simplement de ce à quoi le public va adhérer… Et va diffuser, partager… Les gens sont malheureusement trop habitués à une certaine musique “commerciale” qui domine dans les médias. Cela dit, je pense que le succès est quelque chose de très relatif, je ne sais pas, parfois, tu vas faire un concert devant seulement une cinquantaine de personnes, mais ces cinquante vont kiffer et en parler tout autour d’eux, et un engouement peut se créer ainsi. C’est ce qui compte au final.

Quels sont tes derniers coups de cœur musicaux ? Il y a l’album de Likki Lee que j’ai adoré, sinon, j’écoute beaucoup de folk en ce moment, notamment Ane Brun, James McMorrow et James Blake, qui cartonne actuellement en Angleterre.

Dans quelques heures, tu monteras seras sur la scène de la Machine du Moulin Rouge… Comment tu te sens ? Je me sens vraiment bien et j’ai hâte d’y être pour tout te dire ! Par contre, tu sais, j’étais aux Etats Unis dernièrement, pendant deux semaines. Je suis rentrée il y a seulement une semaine en Angleterre, et là j’ai réalisé que quelques jours plus tard, je serais à Paris… Je me suis dit “Oh wow, suis-je prête ?” (rires), tout s’enchaîne mais je sais que ça va vraiment être bon, ce soir. J’ai pris le temps de bien me concentrer sur mon show, je suis vraiment impatiente.

Ce n’est pas la première fois que tu te produis en France, que penses-tu du public ? Exact, je suis venue en Janvier et j’ai adoré ! On a passé un super moment avec le public, j’espère que ça sera aussi bon ce soir mais je n’en doute pas (rires) !

Merci Andreya, c’était un plaisir ! Tout le plaisir est pour moi, merci à vous !

DISCOGRAPHIE

Retrouvez Andreya Triana en concert au Trianon le 13 Avril prochain, avec Bonobo !

Laisser un commentaire