Lil’ Contess, la nouvelle voix du Hip Hop français

Une plume insoumise, une voix d’une captivante noirceur et un flow imparable : Lil’ Contess impressionne. Toutes griffes (vernies) dehors, l’artiste égratigne de ses rimes les codes d’un paysage urbain testostéroné “où il est bien difficile de faire sa place et où il faut sans cesse se battre quand on est une femme, noire, vivant en banlieue et issue de l’immigration”, confit- elle. Pourtant, Lil’ Contess, 21 ans, ose, et d’emblée, s’impose comme la nouvelle promesse d’une scène urbaine féminine trop longtemps désertée. La rage tranquille et la féminité sainement assumée, la franco-cap-verdienne rappe avec irrévérence et chante sa douce ivresse de vivre en français comme en créole portugais. Entre R&B, Trap et Dirty South.

Esprit rebelle

Façonnée au rythme du funana et de la contre-culture cap-verdienne, cette autodidacte doit assurément sa force d’esprit à ses ancêtres “rabelados”, martyrs de la résistance coloniale portugaise. De cet héritage familial et culturel, elle exorcise en musique un passé colonial douloureux en affichant pour référence des influences à l ‘image de son métissage : de la papesse Cesaria Evora, à Mika Mendès, en passant par le français Mac Tyer ou le demi-dieu Drake. C’est dans son Val-de-Marne natal, fief de la Mafia K’1 Fry, que Lil Contess a su transcender sa double culture, s’érigeant en exemple dans un environnement parfois hostile où “rien n’est gagné d’avance” nous dit- elle.

“Issue d’une famille de quatre enfants, j’ai vite pris conscience de l’espoir qu’ont misé sur nous des parents qui sont un jour partis de leur pays. Il m’ont appris à me battre, à être la meilleure partout, aussi bien à l’école que dans chacun de mes projets” explique l’artiste. Mais celle qui se destinait à des études de psychologie étreint finalement une voix musicale et suscite très vite l’émulation autour d’elle.

En 2011, avec son collectif féminin Every Crew, Lil’ Contess s’épanouit sur ses premières scènes (Alhambra, Bataclan…) où elle écume, victorieuse (ou presque), tremplins et concours de chant (Zick Me Up, Emergenzia ..) En 2014, le groupe cesse pour mieux réaliser les aspirations artistiques de chacune. Une scission nécessaire à Lil Contess, qui rôde seule son art lors de showcases et de lives radio (Planet Rap, Ladies First). Le 6 novembre 2015, la jeune artiste amorce en première partie le grand retour de Blacko (Sniper). Sur la scène de La Cigale, elle crée la surprise.

Femme de béton

Pour sa première mixtape, prévue pour mai 2016, Lil’ Contess décline 14 pistes à la beauté sombre, éclairées d’une impétueuse insouciance. “ce que je chante, c’est mon vécu, une jeunesse et des émotions communes à beaucoup d’autres, ponctués de galères, de trahisons mais surtout de l’amour de mes proches”. Une voix aux timbres profonds et aux envolées exaltées, oscillant entre flow saccadé, “spoken word”, et mélopées enchanteresses. Et même si l’artiste ne sacrifie jamais sa liberté d’écriture sur l’autel de la technique, Lil’ Contess réunit sur cette oeuvre “exigeante” la fine fleur émergente d’un beatmaking à la française, à l’image de Mr Punisher (Booba, Gradur, Rohff, Tory Lanez…).

Opinion sur rue et beats conquérants, c’est avec une hargne de “Guerrière” que cette insoumise nous introduit dans un univers sans filtre et bitumeux. Le pas sûr, l’artiste tacle les poncifs sexistes d’une réalité crue des blocks de Fontenay-sous-Bois où “on n’ose pas trop se montrer de peur d’être tout de suite assimilée à des clichés de fille facile. Si on se montre, c’est que l’on cherche quelque chose et c’est pour cela que l’on retrouve beaucoup de filles qui mettent leur féminité de côté.” Qu’importe. Le bitume ? Elle le bat en talons de 10 sous bonne escorte du MC français Jock’air et nous embarque dans une Ride sauvage et fébrile, “l’amnésia (comprenez la “weed”) planquée dans [son] soutif”. Doux vertige codéiné dans lequel la jeune femme, décomplexée, scande l’hymne d’une jeunesse “Snapshat”, champ’ et selfie à l’appui.

Aux éphémères instants d’ivresse, Lil’ Contess ne substitue jamais sa combativité et nargue un principe de réalité encore coriace : “être une femme dans ce milieu n’est pas easy”. Pour preuve, aux côtés de Take a Mic, le titre Fais Les Choses Bien” au gimmick haletant et à la détermination sans faille dans lequel elle systématise ambitions en réussites : près de quinze ans après Wallen (A Force De Vivre, 2001), la jeune artiste est à son tour “celle qui dit non”.

On apprécie tout autant la puissance vocale débridée et la verve de l’artiste sur Rien Sans Moi. Un “to the left” ( cf Irrepleacable, B’Day de Beyoncé, 2006) où l’infidélité masculine se règle sur Ebay dans des sonorités caribéennes voisines du dancehall.

L’esthétique de Lil’ Contess ? “Chanter vrai”. Authentique, cru, R&B, avec un apport aux trames mélodiques, textes et mises en scène vidéo à l’aura résolument unique.

Résultat : on retient l’hétéroclisme des compositions et des instrus de haute tenue, où la Trap tutoie à contre-temps le R&B. Une première oeuvre tout en puissance et relief, sans fausse note, qui déjà, sacre Lil’ Contess au rang de grande.

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Lil’ Contess assurera également la première partie d’Eric Bellinger au Trabendo le 16 avril prochain.