“Music 2.0.”, le nom du magazine auquel à contribué G.No en tant que rédacteur en chef, un titre qui caractérise aussi bien l’artiste. En effet, la façon dont il gère sa carrière, dont il collabore avec le monde musical et interagit avec d’autres artistes font que G.No utilise toutes les facettes du web 2.0. Pour autant il n’oublie pas ses basics et ne tarit pas d’éloges pour ceux qui ont contribué à façonner le RnB des années 90s, entretien avec l’outsider G.No…
Comment doit-on t’appeler ? G.no ? The Latin Bird ? Gardelino ? Tu peux m’appeler G.No (ndlr, prononcer “jino”), c’est le diminutif de Gardelino, qui veut dire oiseau, en italien. D’où aussi “Latin Bird”, l’oiseau latin…
Pourquoi avoir choisi ce pseudo ? Étant jeune, mon père m’appelait ainsi. Au delà de l’animal, l’oiseau est le symbole de la liberté, et en chantant, j’ai le sentiment de m’évader de ma cage.
Si on devait retracer un peu ton parcours… Tu as commencé en 1994 avec un groupe de Newjack Swing, Safyr. Combien de temps a duré l’aventure ? Ah oui ! J’étais jeune (rires)… L’histoire a duré de 1994 à 2001, le RnB en France était super récent, il y avait déjà les anciens K-Reen, Hasheem, mais il n’y avait pas l’effervescence actuelle. Même si on n’a pas eu la même formation que les chanteurs aux Etats-Unis, qui font leurs classes dans des chorales gospel, on a quand même pu apprendre à chanter sur le tas. Avec Safyr, nous avons fait les premières parties de Busta Flex, Sniper, Lord Kossity, et à chaque fois qu’on nous voyait arriver sapés comme des rappeurs, les gens s’étonnaient de nous voir chanter ! Le style Boyz II Men en costume, ça n’a jamais été pour nous.
Est-ce que vous avez sorti quelques sons ? Oui, un maxi, Panam Funk en auto-prod, et un titre dans une compil, Influence R&B, mais pas de diffusion à grande échelle… Tant mieux d’un côté (rires).
Après cette aventure, tu as écrit pour des artistes français… Oui, j’ai écrit pour D.Dy sur la compil B.O.S.S. Vol.3. Il m’avait d’ailleurs proposé d’écrire son duo avec Lynnsha, mais finalement ils ont préféré faire appel à un gros nom, Diam’s…
A ce propos, on t’a découvert sur le label de Smoke E. Digglera, sur lequel tu es signé, et aujourd’hui on te découvre une facette de rédacteur puisque tu as signé un édito pour Mailmovement… Oui, et c’est en travaillant en tant qu’indépendant que j’ai appris à me débrouiller tout seul. Que ce soit avec les logiciels de création musicale ou les réseaux sociaux. Et c’est à l’occasion de l’ouverture de l’Apple store (je suis un passionné de l’univers Apple), que j’ai rencontré Angela de Mailmovement. Au fil de la discussion, je lui ai dit que j’écrivais et elle m’a proposé de faire un édito pour ce webzine, j’en ai profité pour écrire sur le mouvement RnB qui a malheureusement une mauvaise image aujourd’hui…
Tu as donc une réelle passion pour l’écriture ? Oui et je trouve que le chant et l’écriture sont liés. Au début, je faisais plus de morceaux rap mais je n’étais pas à l’aise, je préférais le chant. Quand le New-Jack a débarqué, avec des artistes comme R. Kelly, Bobby Brown, Jodeci etc… Des mecs habillés comme des rappeurs mais avec des voix de dingues, j’ai eu une comme un déclic, je me suis dis “C’est ça que je veux faire !”
J’ai appris que tu travaillais aussi sur un livre au sujet de l’histoire de la Black Music ? Oui, cet édito pour Mailmovement, c’en est un peu le résumé. Le livre sort en septembre aux éditions Didier Carpentier, on y retrouve pas mal d’interviews d’ailleurs. Rien que la semaine dernière, j’étais avec Mr Davin de Jodeci sur Skype, j’ai aussi rencontré Damion Hall et TQ à Los Angeles…
Damion Hall, TQ, Mr Davin, c’est carrément génial ! Tes impressions (rires) ? Damion Hall est vraiment cool mais aussi très humble, on a freestylé ensemble sur une petite vidéo que tu peux trouver sur Internet (ndlr, à l’adresse suivante : http://vimeo.com/gardelino). Sinon, j’ai rencontré TQ lors du tournage d’un de ses clips. On se parlait déjà sur Myspace depuis longtemps, il me connaissait parce que son groupe préféré est aussi Playa.
Ton groupe favori est Playa ? Bien-sûr ! Si j’ai été vers Smokey (ndlr, Smoke E. Digglera que nous avons interviewé en septembre dernier) c’est justement pour ça. Ces mecs étaient des tueurs. Tu sais dans mon ancien groupe, Safyr, nous étions trois et nous nous identifions toujours à un membre de Playa (rires). D’ailleurs je ne suis pas le seul. Pour mon livre, j’ai relu une interview qu’avait donné Maxwell au magazine Radikal, en 1999, et au moment de citer ses principales inspirations, il avait mentionné Playa et surtout Smoke qu’il trouvait incroyable ! Autre anecdote, l’autre jour j’ai publié une vidéo de Smoke et moi sur ma page Facebook et Troy Taylor (ndlr, producteur de Whitney Hosuton, Aretha Franklin, Ginuwine, Trey Songz…) a posté en commentaire “Le meilleur chanteur, auteur, compositeur, producteur que je connaisse et il faut que le monde le sache” ! Il est lui aussi dans mon livre d’ailleurs.
Rien que ça ! Sinon, pour en revenir à ta carrière artistique, avais-tu déjà sorti quelque chose en solo avant ? J’avais fait une maquette, Evazion, que j’ai depuis retirée de la vente. A l’époque j’avais moi-même dealé avec les chefs de rayon de la Fnac pour qu’ils mettent mon CD en vente. Car tu sais, avant c’était comme ça, il fallait discuter avec chaque chef de rayon pour voir si il pouvait vendre ton CD. Et certains d’entre eux me prenaient de haut, se prenant pour des Directeurs Artistiques…
Puis Smoke t’a signé sur son label… Comment ça c’est passé ? Est ce que tu t’y attendais ? Pas du tout ! J’ai commencé à rédiger mon livre en 2004/2005. A l’époque, Myspace était incontournable, donc on avait enfin la possibilité de contacter les chanteurs américains directement. Etant fan du groupe Playa, j’ai tenté ma chance et j’ai contacté Smoke pour une interview. Il m’a laissé son numéro, je l’ai rappelé. Donc on a fait l’interview, je lui ai dit que je chantais… Bon sur le coup il s’en foutait un peu (rires), mais parallèlement à cette époque j’avais enregistré Evazion et il y avait le titre “Senorita Sensual”. N’ayant rien vendu, j’ai décidé d’envoyer le titre à tous mes contacts par mail… Deux jours après j’ai reçu un mail de Smoke, me disant qu’il avait adoré le morceau ! Puis j’ai réécouté le morceau, qu’il avait renvoyé en pièce jointe et j’ai découvert qu’il avait posé sa voix dessus… Je me suis dis “Wow ! Mon idole pose sur mon son sans que je n’ai rien demandé !” (rires). A partir de là j’ai voulu bosser avec lui. Il m’a proposé de le rejoindre à Louisville, en 2006, en me disant que si ça se passait bien, il me signerait. Et depuis, je suis sur son label Bittersweet, LLC.
G.No a.k.a. The Latin Bird – Senorita Sensual (ft. Smoke E. Digglera)
La musique, Internet, l’écriture… Cela nous amène naturellement à ton magazine : Music 2.0… Oui la responsable du magazine Webdesign a fait appel à moi car elle savait que j’étais dans le monde de la musique et que j’écrivais (ndlr, un livre sur les réseaux sociaux et les indépendants paru en 2010), je me suis donc mis dans la peau d’un rédacteur en chef. On y trouve les interviews de Smoke, d’Akhenaton, un DVD, mais surtout énormément de conseils pratiques pour un musicien indépendant. Je pense que le magazine peut vraiment être utile pour créer sa musique avec un petit budget, créer son site internet, assurer sa promotion 2.0… En fait lorsqu’on travaille en indépendant, comme tout le monde aujourd’hui, je pense qu’il est essentiel de maitriser ces quatre disciplines : le webdesign, la MOA, la vidéo, la photo et les réseaux sociaux.
Donc ce magazine est surtout un outil à destination des artistes indépendants ? Oui complètement. Avant on se servait des bouquins, des cours… Maintenant les gens vont sur sur Internet. Le public est sur Internet. Si tu veux être booké en concert, il faut d’abord être connu sur le web !
Est-ce que ton magazine va sortir régulièrement ? Non, c’est un hors série du magazine Webdesign, disponible en kiosque jusqu’en avril. Mais il y aura un second numéro en septembre.
Tu as sorti un EP, en janvier dernier, Le Soulitaire, peux-tu nous en dire plus ? Oui, le titre est un jeu de mots entre l’âme, la soul et le coté solitaire car c’est un album très intime et chanté uniquement en français. Je l’ai fait chez moi avec mon guitariste et on peut entendre Smoke dans les chœurs, sur quelques morceaux. L’EP correspond à une période où je ne me sentais pas bien à cause d’une rupture amoureuse. Ce n’est donc pas le genre de truc commercial, digital qu’on entend un peu partout. C’est plus un journal intime et je l’ai vraiment réalisé pour exprimer ce que je ressentais. Je pense que ça plaira aux gens qui attendent une démarche artisanale pour un album.
Pour l’instant tu sors donc des EP thématiques, est ce que tu comptes bientôt sortir un album qui concentrera un peu l’ambiance globale de tes maxis et faire un peu plus de promotion ? Oui, ça fait un petit moment que je travaille sur un album. Il y en a d’ailleurs deux de prévus cette année : un, enregistré avec Smoke, Latin&Blues, que l’on prépare depuis un moment déjà, et un autre de duos avec des chanteurs américains Latin&Blues Duetz. Avec ces albums, les gens vont connaître mon style le “Latin&Blues”, un mélange d’influences : mon sang latin et mes influences RnB. Il y aura un duo avec Bizzy Bone, “Paz” (ndlr, “Paix), sorti en juin dernier, mais aussi des compositions de Key Beats (ndlr, “Rock The Boat” de Aaliyah) et d’autres…
Bizzy Bone des Bone Thugs-N-Harmony ?! Oui ! L’un des seuls à avoir rappé avec Biggie ET 2Pac ! Je l’avais contacté sur Myspace l’année dernière en lui demandant s’il voulait poser sur un de mes morceaux. Il m’a répondu “Ok, si ça me plait, je le fais”. Et Bizzy a posé sur le morceau sans rien me demander en retour, un truc de fou, oui.
G.No a.k.a The Latin Bird – Paz (ft. Bizz Bone)
D’autres duos du même genre sont attendus ? Oui, notamment un avec le groupe Playa au complet…
Non ?! Smoke a plein de morceaux dans ses tiroirs ! Par exemple, savais-tu que Kanye West avait initialement écrit “You Don’t Know My Name” (d’Alicia Keys) pour Smoke ! Mais pour en revenir à ta question, quand j’ai écouté le morceau dont je parlais juste avant chez lui, j’ai dit à Smoke que je le voulais absolument (rires). A l’époque Static et Smoke étaient en froid, mais aux funérailles de Static, la femme de ce dernier a dit à Smoke que Static le regardait souvent sur Youtube avec son ami “français”. C’est donc en sa mémoire que j’ai enregistré la reprise de “Ride Til The Wheels Fall off”, sorti en 2009, sur mon EP 7 Live.
Est-ce que tu suis ce qui se passe sur la scène française ? Bien sûr, j’écoute ce qui se fait, même s’il n’y a plus grand chose. Dans les anciens, je citerais Hasheem avec qui j’ai fait un duo l’année dernière “Cheers 2 U” (ndlr, le remix de la chanson de Playa). Mais il y a tellement de frustration et d’ego chez certains que je m’en échappe… Des artistes comme Damion hall, TQ, ou Smoke sont beaucoup plus simples. Je n’ose même pas demander de collaborations avec des artistes ici ! Maintenant, je suis ouvert, mais plus au rap parce que j’ai beaucoup de mal avec les textes de RnB en français. J’aime les textes engagés en français, c’est pour ça que je ne chante le RnB pur qu’en espagnol.
Et penses-tu faire des scènes ? J’ai déjà fait l’Opus, le Comedy Club, là je suis à la recherche d’un tourneur avec Smoke. Mais j’ai besoin de up-tempos pour faire bouger les gens (rires), car pour l’instant je n’ai pas encore conçu l’album qui me permettra de vendre au plus grand nombre ! En plus, avis aux intéressés, Smoke tourne déjà avec H-Town, Jon B, Donell Jones…
Quel concert ça doit être ! Pour finir, peux-tu nous donner ta playlist ? 1/ TQ – Dope Man : Andre Harell dit de lui qu’il incarne le hip-hop/soul. 2/ G.No aka The Latin Bird & Smoke E.Digglera – Por ahora y para siempre : pour montrer ce qu’est le Latin&Blues! 3/ Playa – I-65 : Le couplet de Smoke m’a traumatisé à sa sortie en 98. 4/ Little Willie John – Now you know : Un des meilleurs chanteurs de soul, décédé dans l’anonymat, en prison, à 33 ans… 5/ Damion Hall – You’re the one (ft Aaron Hall) : Les voix des frères de Guy se complètent à la perfection. 6/ Drake – Find your love : J’aime aussi les sons actuels et le neveu de Larry Graham a fait un bon titre ! 7/ B.Brown Posse – Drop it on the one : Le groupe de Bobby Brown en 93, tuerie ! 8/ Dalvin Degrate – Dangerous : Produit par Devante, avec Static et Smoke dans les choeurs. 9/ H-Town – Toon Girl : RIP Dino Conner, c’était le meilleur: voix, flow, originalité. 10/ Nas – Who are you : J’aime le rap engagé et Nas redonne au hip hop son message avec ce nouveau titre. 11/ Wham – If You were there : Reprise des Isley Brothers par George Michael dont je respecte le parcours musical, son album Faith fût le premier album de blanc à devenir numéro un des charts RnB.
Merci G.No, pour cet échange !
Site Officiel