Fin de l’entre jeu pour Kayna Samet

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En France aussi on a nos têtes de séries. Si elles ne sont pas aussi bankables qu’aux États-Unis, la qualité de leurs essais a contribué à les placer directement dans le coeur des amateurs de Soul et RnB. Ils ne sont pas nombreux dans ce registre, on peut citer Vibe, Afrodiziac…et Kayna Samet.

En effet, après un premier album plébiscité tant par le public français que par la critique, il aura fallu sept années avant de voir Kayna Samet revenir sur le devant de la scène. Mais loin d’être une traversée du désert, ce retrait de sept ans a permis à Kayna Samet d’évoluer, d’explorer sa musique. Nous étions allés à sa rencontre juste avant la sortie de son album.

Bonjour Kayna, ton nouvel album est disponible depuis le 14 mai, tu peux nous le présenter ? Le titre, A Cœur Ouvert, parle de lui-même. J’ai l’habitude de faire de la musique avec mon cœur, j’ai toujours chanté et été animée par cette passion de donner de cœur à cœur. C’est un album personnel, éclectique, avec plusieurs directions musicales différentes, et c’était une volonté de ma part de le rendre le plus accessible possible. C’est un album que j’ai vraiment fait pour tout le monde.

Avec la sortie de ce nouvel album, visuellement, on découvre aussi un nouveau style : lunettes de soleil, cheveux détachés, tu parais moins en retrait… Depuis Entre Deux Je, sept années sont passées et, comme tout le monde, j’ai eu le temps d’évoluer. Le fait de lâcher mes cheveux, c’est peut être une façon de me rendre libre, je ne sais pas si on peut trouver des explications rationnelles. J’ai porté des lunettes de soleil pour le morceau “Ghetto Tale” car il est street. Il y a aussi une petite part de mystère qui se crée, j’aime bien le concept, ça rappelle… Je voulais dire Mylène Farmer, mais non (rires), mais rassure-toi, dans le prochain clip qui arrive, je ne porte pas de lunettes (rires).

Une évolution que j’avais aussi constatée chez Wallen entre la sortie de son premier et de son deuxième album. Même si vocalement vous avez chacune votre style, vous partagez les même thèmes et certaines mêmes valeurs, l’amour du Rap… Oui, on a eu l’occasion de se croiser et d’échanger un peu. Effectivement,  je me reconnais vraiment en elle car comme tu viens de le dire, on défend les mêmes valeurs. Elle a aussi fait partie d’un crew plutôt street, elle s’est toujours postée comme une représentante, la petite sœur, celle qui chante bien et qui écrit des choses respectables et crédibles. J’ai toujours apprécié sa musique et parmi les chanteuses françaises, c’est une personne qui me tient à cœur. Elle est à l’image de sa musique dans la vie et dans la scène, elle est vraie.

Sur ton nouvel album figure “Yema”, que l’on connaît depuis deux ans déjà. Un morceau à l’esthétique épurée et aux textes très intimes, est-ce que ça te semblait naturel de l’accompagner d’un clip ? L’histoire de “Yema”, c’est l’histoire de ma mère, et plus globalement, c’est un titre rendant hommage à toutes les mères. J’y parle du fait de quitter le nid, de partir faire sa vie, comme ma mère d’ailleurs, qui a aussi vécu cela puisqu’elle est venue d’Algérie. Pourquoi mettre ce titre en avant ? Il n’y avait pas encore les paroles que ce morceau était déjà grand ! En écoutant simplement la musique, la mélodie, sans même avoir encore travaillé les textes, on s’est dit : “il faut le clipper !” J’ai rencontré une réalisatrice, d’ailleurs, c’est son premier clip, elle a dit : “laissez-moi faire le clip du morceau !” (rires), elle était vraiment habitée par la chanson donc je lui ai fait confiance. J’ai trouvé touchant le fait qu’on aille jusque là, je suis très contente du résultat et effectivement c’est un morceau qui est toujours très important pour moi et je pense qu’il sera encore là pendant longtemps. Skalp a mis une puissance céleste dans les arrangements, on ressent le côté fragile et toute la force que peut avoir une mère ou une femme. Tout le monde s’est retrouvé dans cette même énergie, motivé par le message de la chanson, et quand une chanson génère autant de positivité et d’élan collectif, on peut dire que c’est gagné.

Sur “Waiting”, on entend le sample des Four Tops, “7-Rooms of Gloom”, qui nous rappelle un peu le travail de certains producteurs étatsuniens comme Kanye West qui a beaucoup puisé dans la Soul. Qui a produit ce morceau ? Et bien, c’est moi ainsi que deux autres personnes qui ne sont initialement pas des compositeurs, on a trippé sur un sample et cela s’est fait tout naturellement. Le sample fait tout le morceau et la mélodie vogue par-dessus. Depuis toujours, la Soul inspire les compositeurs Rap et RnB et c’est vrai que j’aime la façon dont elle est traitée en ce moment. C’est une fierté pour moi que tu fasses cette comparaison, même s’il faut le garder dans toute sa mesure (rires).

A ce propos, quelles sont tes références en Soul ? Ma référence absolue, c’est Donny Hathaway, sa voix est divine. Si j’ai un regret dans ma vie, c’est de ne pas être née dans ces années-là, d’avoir assisté à un de ses lives, je crois que je m’en serais rappelée toute ma vie. Sa voix, ce côté gospel et entraînant te touchent au coeur, c’est obligatoire ! Il m’a vraiment traumatisée… Je suis reconnaissante envers la personne qui m’a tendu son disque. Ensuite, bien sûr il y a Stevie Wonder, Marvin Gaye, Aretha Franklin, Gladys Knight, Anita Baker, Nina Simone, toutes ces personnalités fortes qui sont de vrais artistes habités par leur univers. La voix de Nina Simone est reconnaissable dès les premières notes, idem pour Marvin. Même si sa musique et son style étaient plus édulcorés à ses débuts, lorsqu’il a sorti What’s Goin On, il a donné de la crédibilité à la musique Black dont il a été un fervent représentant. Avec cet album, il a changé l’histoire de la musique.

Sur ton premier album figuraient des morceaux purement Soul : “Besoin De Renaître”, “Toi Qui Sais”, où l’on sentait les influences que tu viens d’évoquer. Est-ce que tu as aussi donné cette teinte à ton nouvel album ? Oui, il faut que tu écoutes “Inconsolable” qui fait le lien avec le premier album. Chanter la tristesse et la mélancolie, c’est quelque chose que je fais très bien, c’est mon monde. Bien sûr, en sept ans, j’ai eu le temps d’emmagasiner d’autres choses et d’évoluer.

Autre climat sur “Jeunes et Libres”, la production nous fait presque penser à une ambiance californienne… Oui, exactement, c’est vraiment du “Still D.R.E” (rires) ! C’est Mounir Enterprise qui a produit le morceau, il a notamment travaillé avec Vitaa et Melissa Nkonda. Je tenais à ce qu’il y ait, sur ce morceau, une boucle rappelant un son à l’ancienne et à cette époque, la boucle de “Still D.R.E” nous avait traumatisés !

Ça devait d’ailleurs être le titre de ton album à un moment donné, non ? Oui, c’est vrai, mais je l’ai changé car je ne voulais pas avoir à communiquer deux fois sur le même titre. Et avec le temps, A Coeur Ouvert s’est imposé de lui-même car cela résumait bien l’ensemble de ma démarche sur ce projet.

Ton dernier clip, “Ghetto Tale”, vient d’être mis en ligne avec en invités, Youssoupha, Medine et Leck, pourquoi eux ? Parce que ce sont des personnes qui m‘inspirent et que j’apprécie. Leck est un jeune rappeur, il rappe mais chante aussi, il a un grain de voix que j’aime beaucoup. Quant à Youssoupha, son album est tout simplement énorme et c’est quelqu’un de passionné. Enfin, pour Medine, on s’est vus dernièrement car j’ai participé à un titre sur son dernier album, Biopic, qui sort en Septembre, je lui ai donc gentiment proposé de poser avec moi et il m’a gentiment répondu (rires). J’ai invité les personnes qui me ressemblent, et je suis contente de réunir la nouvelle génération et l’ancienne génération. D’une manière générale, toutes les personnes qui vont graviter autour de moi et avec qui je collabore sont des personnes que j’aime avant tout humainement. C’est important pour moi qu’il n’y ait pas de choses forcées.

Puisqu’on parle de collaborations j’aimerais revenir sur ton premier album et parler du featuring avec Mobb Deep ! Comment est née la rencontre ? Ils étaient venus un soir, pour une séance d’enregistrement dans un studio parisien. La maison de disque m’appelle alors et me dit : “tu connais Mobb Deep ?” La blague, bien sûr que je connais ! “Ils sont à Paris et il y aurait moyen de faire un morceau avec eux…”, j’ai cru à une farce ! On y est allé, je leur ai fait écouter la prod, il m’ont demandé mon nom, on a discuté, ils ont essayé de parler français avec moi, ils se sont vraiment impliqués dans le morceau. On a eu un vrai échange, ils ont écouté “Écorchée vive” et bien qu’ils ne comprenaient pas les paroles, ils ont dit qu’ils ressentaient ma douleur, tout en me checkant. Ça reste un super moment, merci de m’en reparler.

Pour revenir à Ghetto Tale, tu chantes “J’écris pour éviter de briser, de gamberger dans le noir. Je n’ai plus que ça, chanter l’espoir du bout des lèvres”. Je trouve ces deux lignes très représentatives de l’esprit du morceau, est-ce qu’elles caractérisent Kayna Samet ou est-ce un nouvel état d’esprit ? Ça me caractérise moi et depuis toujours. Je me suis toujours accrochée à la musique. Tout d’abord, en tant qu’amatrice, car quand on aime la musique, elle nous accompagne dans notre vie de tous les jours, on a besoin d’écouter certains albums. Moi, j’ai besoin de la musique pour décharger certaines choses, pour donner. En parlant avec toi, je me rends compte que j’ai beaucoup, beaucoup de choses à donner et que la musique me permet d’être ce lien entre moi et les autres.

C’est cet état d’esprit qui te permet de te dépasser et de ne pas être la “Madame tout le monde” que tu chantes ? Oui, complètement. C’est ce qu’on a tous envie d’éviter je crois. La routine, le quotidien, les problèmes, les factures… Il y a trop de personnes qui sont dans ce cas là, qui sont dans des bureaux, devenus des robots à enchaîner métro, boulot, dodo. Il y a beaucoup de personnes qui ne se sentent pas à leur place, qui se disent que ce n’est pas la vie dont ils avaient rêvé. Lorsque j’étais enfant, une chose m’a marquée dans les dessins animés, si tu fermais les yeux et que tu y croyais très fort, ton rêve pouvait se réaliser. Moi, je suis naïve, j’y ai cru mais non, ça ne se passe pas comme ça, la vie te rattrape, tu deviens adulte, tu as des responsabilités. La conjoncture, d’une manière générale, n’est pas forcement évidente pour pouvoir s’imposer si on n’a pas de chance, pas de pistons, pas de parents derrière pour nous assumer…En résumé oui, j’ai envie de tout faire pour exister de cette manière là. Je chante, je me suis battue pour cela, pas pour briller ou vendre des disques, simplement pour qu’on m’entende. La démarche a toujours été la même. Si ça ne fonctionne pas et qu’on me dit : “écoute, ça ne marche pas, on n’a plus d’argent à dépenser pour ton projet”, je serai heureuse malgré tout car j’ai une famille, un équilibre, je suis heureuse, épanouie et je saurai trouver mon bonheur ailleurs.

Tu partages ta vie avec Sinik, comment influez-vous l’un et l’autre sur votre musique ? Est-ce qu’il te fait écouter ses démos, et toi les tiennes par exemple ? C’est un échange permanent ! D’ailleurs il a écrit avec moi pas mal de textes de l’album. Je le connais humainement et artistiquement, et vice versa. On se donne des idées, on s’inspire mutuellement, quand je bloque sur des mots, il sait les trouver pour moi. Puis on est franc l’un envers l’autre donc ça nous fait avancer, c’est une force.

Ton communiqué de presse, repris par de nombreux médias, te compare à Mary J. Blige, est-ce que tu te reconnais dans cette comparaison ? En toute humilité, je dirais que je peux comprendre le parallèle : il y a le Hip-Hop, la Soul et la voix un peu écorchée. C’est une artiste qui se donne à fond, on sent qu’elle fait sa musique avec le cœur. De plus, elle a vécu des épreuves difficiles, un peu comme moi, et comme beaucoup d’autres d’ailleurs. Ce que j’apprécie chez elle, c’est qu’elle arrive à bien le retranscrire en musique, tout en gardant son côté rue. Elle a chanté avec Method Man, Nas, etc. Elle est aussi capable de chanter avec George Michael et Bono, elle appartient à tout le monde ! C’est la petite d’en bas qui a gravi les échelons, qui s’est sortie de la merde avec sa voix, son charisme, son envie de faire de la musique, donc oui il y a pas mal de similitudes mais c’est toujours si énorme de se savoir comparée à elle…

 

 

Tu parles de ta voix qui est si caractéristique, est-ce que tu l’as travaillée ? Je la sens plus lisse… Oui, c’est vrai elle a un peu “changé”. Les conditions d’enregistrement du premier et du second album n’ont pas été les mêmes, et inconsciemment, je me suis posé cette question il n’y a pas si longtemps, car en réécoutant mon premier album, j’ai également constaté aussi que j’avais “changé” de voix. Sur le premier album, j’avais une voix écorchée vive, c’était une plaie ouverte, j’étais en grande souffrance, c’était une époque où je n’allais pas bien. Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est une autre souffrance qu’on entend dans ma voix. La souffrance d’une maman épanouie s’exprime différemment, le grain n’est pas au même endroit, donc c’est peut être plus lisse dans le rendu mais le poids est le même. Disons que je le gère autrement, c’est un épanouissement, une envie de regarder plus en haut qu’en bas. J’aimais bien cet aspect un peu fracturé de ma voix, je l’ai toujours mais avec cet album j’ai voulu chanter plus haut à certains moments…

Les textes peuvent aussi influencer l’interprétation… Oui, tout à fait et l’arrangement musical aussi. Être dans quelque chose de plus vintage et de plus organique, ça inspire une interprétation un peu plus grave.

En ce moment, qu’est ce qui te fait kiffer musicalement ? J’adore l’univers et la voix de Bruno Mars. Il y a aussi Jazmine Sullivan, qui est une artiste incroyable, dotée d’une puissance vocale tout aussi incroyable ! C’est en écoutant son album Fearless que je me suis dis que je pouvais faire un album éclectique et cela m’a vraiment influencée. J’écoute aussi Jessie J, je trouve que c’est l’une des meilleurs chanteuses de notre génération, elle a une voix de folie, elle est impressionnante, c’est un ovni vocal !

Pour finir, en dehors de la musique, qu’est-ce que tu aimes faire ? En dehors de la musique, il y a ma fille. Voilà, ce sont des après-midis toboggan, des goûters à 16h, etc. Je suis très famille, très casanière. Avec toute cette promo et ce qui se passe autour, dès que les lumières s’éteignent je m’empresse de retrouver mon petit cocon et de retourner dans ma bulle !

Merci pour cet échange Kayna, SoulRnB.com te souhaite bon courage pour la suite !

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0 Comments

  1. sunda dit :

    Très bonne interview, je n’ai jamais réellement écouté, du coup ça permet de découvrir l’artiste.
    Par contre le parallèle avec Mary J. …

  2. Jazz dit :

    Yep le parallèle avec Mary J est facile pour les raisons évoqués par Kayna, mais c’est vrai que musicalement c’est quand même bien différent. Et puis c’est une manie des medias, qui aiment bien faire des comparaisons. 😛

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