Petite elle se voit ballerine, ses parents ne jouent pas de musique, n’en chantent pas et n’en écoutent pas davantage. Elle passe ses jeunes années dans la ville de Louvain, pas franchement connue pour ses talents Soul.
Pourtant, cette même jeune fille, se retrouve en 2011 à la tête des charts avec un premier album éponyme (certifié double disque de platine en Belgique), bijou de soul moderne aux multiples influences : Rock, Folk et même Ragga. Propulsée à l’avant de la scène grâce au hit “Raggamuffin”, Selah Sue réussit, malgré son jeune âge, à insuffler à sa musique cette maturité et ce vécu essentiels à l’authentisme d’un album Soul. Enfin une histoire belge qui n’est pas une blague…
Salut Selah, beaucoup t’ont découverte à travers ton premier album éponyme sorti en Mars dernier, mais ton histoire commence bien avant, peux tu nous raconter ton parcours ? Et bien avant tout, il faut savoir que je suis une amoureuse de musique et j’adore jouer de la guitare. Tout a véritablement démarré grâce à Milow, qui m’a découverte. J’avais 18 ans à l’époque, j’allais encore à l’école et, bien que je chantonnais et jouais beaucoup de guitare, je n’avais pas de véritable répertoire, seulement quelques chansons… Il m’a dit “Tu sais, si ça t’intéresse, tu pourrais ouvrir ma tournée ?”. J’ai bien sur accepté ! Du coup, j’ai pu faire de nombreuses scènes en Belgique, j’étais totalement inconnue dans mon pays à ce moment. Puis les choses ont pris de l’ampleur donc j’ai composé de nouvelles chansons. Des bookers et des tourneurs se sont intéressés à moi et m’ont contactée. J’ai ainsi participé à plusieurs festivals, seule cette fois, et ai multiplié les prestations scéniques… Tu connais la suite (rires).
Tu as grandi assez loin de la musique… Tu as vécu dans une petite ville, dans une famille qui n’écoutait pas spécialement de musique, tu es d’ailleurs la seule musicienne. Comment t’es venue cette passion et comment t’es-tu forgée ta culture musicale ? Je ne sais pas trop… Je pense que quand quelque chose te tient vraiment à coeur, quand tu as une telle passion en toi, tu as ce besoin de la nourrir encore et toujours plus, et ce par n’importe quel moyen. Ce ne sont effectivement pas mes parents qui m’ont initiée à la musique mais qu’importe, c’était en moi et aujourd’hui j’ai réussi à en faire quelque chose. Mes fréquentations ont beaucoup joué, j’ai découvert la musique en achetant des CDs et en en empruntant à mes camarades de classe. Au lycée j’avais des amis qui jouaient dans des groupes, on se retrouvait, ils jouaient de la guitare, du reggae et fumaient toute la nuit (rires). Moi, j’étais là, je les regardais et je me disais… “Oh ok”… Ca a commencé par du ragga, puis petit à petit, j’ai découvert d’autres choses.
A quel moment as-tu voulu être musicienne ? Car j’ai lu que petite, tu rêvais d’être danseuse… Oui (rires)… C’est vrai mais ça remonte à loin. J’étais très jeune mais j’aimais réellement cela. L’envie de jouer de la musique m’est venue très subitement, à l’adolescence. J’avais 14 ans et tu vas peut être trouver ça débile mais à l’époque, je voyais tout le monde jouer autour de moi. C’était cool de savoir jouer d’un instrument, de faire partie d’un groupe, et moi aussi, je voulais être cool, tu vois ce que je veux dire (rires) ? Donc j’ai pris une guitare et je m’y suis mise. Je me suis complètement prise au jeu. J’adorais jouer ! Et le “pire”, c’est que je n’étais pas mauvaise… Mes professeurs me disaient que j’avais une sorte de don, que j’avais l’oreille musicale et que je me débrouillais vraiment bien. Moi, je ne me rendais pas compte, au départ je prenais ça à la légère, je jouais par plaisir mais aussi pour faire comme tout le monde… Et regarde, j’ai finalement sorti un album (rires).
Lauryn Hill est ton premier vrai coup de coeur musical, j’ai d’ailleurs lu que tu as choisi ton nom de scène parce que c’est une de ses chansons, c’est vrai ?Oui, tout à fait. Je suis fan de Lauryn Hill et “Selah” est une chanson que j’adore. J’ai toujours trouvé que le prénom “Selah”, qui signifie “Méditation”, sonnait super bien. J’ai donc décidé d’en faire mon nom de scène. “Sue”, qui est le prénom de ma soeur, est simplement venu s’y accoller.
Peux-tu nous présenter ton album ? Cet album parle de mon adolescence et de la période de la puberté, qui a été assez difficile à vivre pour moi. Généralement, les ados vivent mal cette période transitoire de leur vie et tous ces changements auxquels ils doivent faire face, tant physiquement que psychologiquement. C’est un âge où l’on passe d’un extrême à un autre. Les hauts et les bas s’alternent sans cesse, on se pose des tas de questions, on est en conflit permanent avec soi-même et on ressent un sentiment d’insécurité. Je voulais vraiment parler de tout ça dans l’album, de cette quête personnelle, de cette difficulté à s’accepter comme on est. Les chansons sont de moi mais je voulais à tout prix m’entourer de DJ Farhot pour la production. Il a beaucoup travaillé avec Nneka et j’aime vraiment ce que fait cette fille, ses beats sont mortels, je voulais Farhot sur l’album et j’ai vraiment été honorée qu’il accepte de travailler avec moi.
On y retrouve aussi Meshell NdegeOcello, Patrice, Cee-Lo. Comment sont nées toutes ces collaborations ? Les choses se sont faites de façon très naturelle. Patrice, qui a co-produit l’album était notre premier choix avec DJ Farhot, c’est d’ailleurs lui qui me l’a suggéré et j’ai tout de suite accepté (rires) ! Avec Cee-Lo, la démarche a été un peu différente, je lui ai tout simplement fait la demande. Il a répondu positivement et m’a proposé de reprendre une de ses chansons, j’ai choisi “Please”…
Avant cela, tu étais étudiante en psychologie, tu as d’ailleurs dit que ça t’avait beaucoup aidé à connecter ta musique aux sentiments humains, aux émotions… Si l’on prend ton exemple et ce premier album où tu évoques avec nostalgie tes sentiments de jeune fille, penses tu que la musique puisse être une sorte de remède ou de thérapie personnelle ? Est-ce que ça a été le cas pour toi ?J’en suis certaine bien que je pense que tout ceci soit complètement inconscient. La musique fait du bien en tous points de vue, elle améliore le moral, aide à se sentir mieux sans pour autant qu’on ne l’écoute dans ce but précis, tu vois ce que je veux dire ? Le spleen, les coups de blues, tout ceci nous affecte mais je crois qu’il faut vraiment s’en servir. En fin de compte, je parle de choses qui peuvent et ont pu concerner tout le monde. Si ça m’a libérée de mettre en chansons mes problèmes, peut être que le fait de les écouter en aidera d’autres…
Tu as écris tes premières chansons à l’adolescence. On en retrouve certaines sur l’album, pourquoi les avoir gardées ? Etait-ce pour aller au bout de ton idée ? Oui, parce que cette période a beaucoup compté pour moi. Je voulais vraiment l’évoquer dans mon album. D’ailleurs, je pense qu’un artiste n’a pas à se limiter dans le temps quand il souhaite aborder des sujets personnels dans ses chansons. Il n’y a pas de règle, je pense qu’on peut remonter très loin et traiter une période bien précise de sa vie, même si cette période est révolue, encore plus quand il s’agit de son premier album. Ces chansons écrites il y a longtemps étaient essentielles à la cohérence de l’album, à la cohérence de son histoire. Elles racontent les faits au moment où je les ai vécus. Ce n’est pas grave si, aujourd’hui, ces chansons ne me représentent plus ou que je ne me reconnais plus dans les textes. Oui, j’ai grandi, mais tout ceci fait partie de moi et a contribué à mon évolution, et je voulais le retranscrire ces émotions de la manière la plus juste possible. Je voulais en parler dans mon premier album, peu importe quand il sortirait, ça me tenait vraiment à coeur.
… Le hit “Raggamuffin” en fait d’ailleurs partie.Oui, exactement. C’est une chanson que j’ai prise comme un challenge. Le challenge n’était pas forcément de chanter. Ca, je sais que je peux le faire. Le défi était ailleurs. Chanter du ragga, qui demande une certaine technique et n’est pas forcément le plus adapté à ma voix, qui est plus faite pour la Soul, c’était ça le défi. C’est pour cette raison que j’ai appelé le morceau “Raggamuffin”.
Quels sont les artistes que tu aimes écouter aujourd’hui ? Je suis une grande fan de Flying Lotus, Square Pusher, James Blake, toute cette nouvelle scène électro/soul. D’ailleurs, je pense que mon prochain album partira davantage dans cette direction. Sinon ce moment, j’écoute beaucoup de Dubstep, il y a aussi Cassius que j’aime beaucoup.
On t’a vue sur le plateau de Taratata, où tu as partagé la scène avec Moby, en reprenant (avec brio !) “Walk On the Wide Side” de Lou Reed, Ben l’Oncle Soul avec qui tu as chanté du Stevie Wonder. Tu fais souvent des reprises lors de tes concerts ? Oh oui, ça m’arrive souvent ! Tu sais, ce n’est pas toujours bien vu de reprendre les chansons des autres, certains pensent que c’est une sorte de de “sacrilège” ou alors que c’est trop “facile” mais ce n’est absolument pas mon avis ! L’attitude “Oh non, je ne fais pas de reprises, moi je chante mes propres chansons”, ce n’est pas pour moi ! Au contraire, je trouverais ça dommage de s’en passer, il y a tellement de chansons superbes, c’est un plaisir de pouvoir les revisiter. Par exemple, j’adore “Lost Ones” de Lauryn Hill, c’est un morceau que je reprends souvent sur scène, à la guitare et ça fonctionne toujours !
Et si tu pouvais choisir un autre artiste avec qui partager la scène ? … Bah… Lauryn Hill (rires) !
J’aurais pu m’en douter (rires)… Comment se porte la scène Soul en Belgique ? Oh… Tu sais, elle n’est pas très développée malheureusement… La scène Hip-Hop a son public. Les belges apprécient et connaissent ce style musical bien que la majorité est plutôt portée sur le Rock. Je dirais que 80% des belges écoutent du Rock, puis 10% écoutent de l’Electro. Les 10% restants sont un bon mélange de plein de choses mais la Soul reste plutôt en marge…
Tu as fait la première partie du concert de Prince, en Belgique, l’an dernier. J’ai entendu dire que c’est lui qui te l’avait demandé…Oui ! J’ai fait sa première partie quand il est venu l’automne dernier. C’est dingue (rires). Après le show, sa femme est venue me trouver pour me dire qu’il avait été conquis et qu’il voulait me parler. J’ai pu le rencontrer, on a beaucoup discuté, il m’a dit qu’il avait regardé tout mon show et qu’il avait adoré, j’ai encore du mal à y croire (rires). On a parlé, il m’a donné des conseils et m’a expliqué plein de choses, c’est super.
Merci beaucoup pour cette interview Selah !Avec plaisir, à bientôt !
Retrouvez Selah Sue en concert à l’Olympia le 2 Novembre 2011.
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Quel parcours pour cette jeune artiste. Je l’avais vu pour la première fois en 2009 à la Only The Brave Block Party, elle avait retourné le public avec une guitare et sa seule voie… Je suis curieux d’entendre son prochain opus qui semble se diriger vers de “l’electro/soul”…J’ai un peu de mal avec ce mélange en générale, j’espère être surpris cette fois-ci