Nous avons tous notre histoire avec le RnB. Quand il s’agit de l’Histoire du RnB français avec un grand H, des noms nous reviennent automatiquement en tête : Matt Houston, Vibe, Afrodiziac, Hasheem et… K-Reen.
Véritable pilier du R&B dans l’héxagone, K-Reen est aussi l’une des rares qui a su se maintenir sur le devant de la scène depuis ses débuts. Le 16 avril, K-Reen nous revient avec son troisième album Himalaya, l’occasion pour la rédaction d’aller à sa rencontre.
Par toute une génération, tu es considérée comme un pilier du RnB français. Alors que sort ton nouvel album, n’as-tu pas une certaine pression sur tes épaules? Avant, je me mettais la pression, mais aujourd’hui je suis arrivée à un stade où je suis certaine de ce que je fais. Je ne dis pas que tout est parfait et que tout ce que je fais déchire, mais à un moment donné, s’il m’arrive de faire une erreur, je me dis que ce n’est pas bien grave. Si je fais un morceau moins bien, je me rattraperai avec un autre. Aussi, je n’ai jamais pris à la lettre le titre de “Queen du RnB français”, je n’ai pas peur de descendre de mon piédestal car je n’y ai jamais vraiment posé les pieds.
À chaque sortie tu te remets donc en question ? Voilà, j’essaie de repartir de zéro à chaque fois car sinon, on n’évolue pas. Ma hantise a toujours été de tourner en rond, c’est pour cela que je me suis toujours remise en question.
Aujourd’hui tu fais presque figure d’exception dans la mesure où peu d’artistes Soul et RnB français réussissent à rester sur le devant de la scène dans la durée… A l’instar d’un Usher ou d’une Mary J. Blige, par exemple, qui, aux États-Unis, traversent le temps… La principale différence, c’est que là-bas, ils font du chiffre, donc même si, d’un côté, tu as ton indépendance artistique lorsque tu travailles en indé, tu sais que tu es toi aussi obligé de faire du chiffre pour continuer, et ce n’est pas souvent le cas. Les maisons de disques, quant à elles, mettent une telle pression que si tu vends en dessous d’un certain nombre, ils te jettent. Aux Etats-Unis, c’est par exemple arrivé à Mariah Carey, et les artistes français n’ont pas autant de facilité que Mariah pour trouver une autre maison de disque… Cependant, si j’ai su perdurer, c’est parce que j’ai plusieurs cordes à mon arc : j’ai pu écrire pour d’autres gens, réaliser des morceaux. Je ne reste jamais inactive donc même si on ne me voit pas forcément, je fais toujours quelque chose. J’ai toujours voulu être indépendante car si on compte sur les gens pour avancer, alors, au final, on n’avance pas aussi vite qu’on le voudrait. Ainsi, même si je me retrouve seule, j’ai mon label, mon propre studio, je peux bosser sur d’autres projets, et ça change tout.
Qu’est ce qui fait à ce jour la force du RnB en France ? La force du RnB en France ? Je ne la sens pas trop (rires). Je trouve que le RnB s’est essoufflé, et pas seulement en France, aux États-Unis aussi il a pris une forme de Pop. J’aurai pu parler du RnB français s’il y avait au moins cinq groupes ou artistes qui se faisaient concurrence, mais on n’en est même pas là… Aujourd’hui, je fais figure de “vétéran” qui réussit mais le style RnB a été décrié partout, donc c’est presque courageux de faire du RnB. Beaucoup de personnes m’ont dit : “K-Reen, ne dis plus que tu fais du RnB, dis que tu fais de la Soul j’sais pas quoi, invente un nouveau terme !” (rires)
Est-ce qu’on n’aurait pas laissé le temps au RnB français d’éclore ? Il y a eu une bonne époque au début des années 2000 avec Matt, Vibe, Wallen… On avait tous sorti nos albums les uns après les autres. Pour moi, c’est de la faute des télé-realités. Dès que l’on a vu des personnes prétendre faire du RnB alors qu’elles n’en faisaient pas, cela a tout cassé. On a alors vu apparaître des Tribal King et compagnie… Forcément, quand moi, j’arrive derrière et je dis que je fais du RnB… Ca coince. Les gens font ce qu’ils veulent et la musique qu’ils veulent, le problème est d’appeler un chien, un chat. Je trouve que le RnB a pâti de ce genre de trucs qui ont bien marché en plus…
Je pensais enchaîner en te demandant ce qui fait la faiblesse du RnB français mais tu nous as bien expliqué les contours… Oui, finalement, c’est son succès qui a fait sa faiblesse. Le RnB a été victime de son succès.
Tu as lancé ton label en 2006. Après 6 ans d’existence, quel bilan peux-tu en tirer ? J’ai vraiment appris des choses que je ne savais pas en tant qu’artiste, comme le fait que le business est vraiment pourri (rires). Ce n’est plus la qualité qui fait les ventes…
… Est-ce qu’à une période elle l’a fait ? Oui, à une époque, en faisant un bon album, ça pouvait marcher, mais maintenant, ça ne représente plus que 10% du boulot. Désormais, il y a le marketing, le piston, les relations… Si tu n’as pas tout ça, il ne te reste plus qu’à enregistrer un album pour le plaisir et cela coûte toujours cher, même en indépendant.
Quels sont les artistes signés sur ton label ? Il y avait Mike Kenli et Ryda Elias mais ils ont continué de leur côté. Désormais, je suis la seule artiste de mon label.
Tu reviens le 16 Avril avec l’album Himalaya, pourquoi avoir choisi ce titre ? Himalaya évoque une ascension, c’est le plaisir de se dépasser pour atteindre des sommets. C’est quelque chose qui parait inaccessible et pour quoi on se bât afin de l’obtenir. Et quand on est en haut, on domine tout.
Est ce que ça décrit ton parcours, de tes débuts à aujourd’hui ? Je me situe en haut, en tout cas, pas dans le sens où je suis au top mais plutôt dans le sens où je me sens intouchable. J’ai vu tellement de choses que je me sens solide.
Le premier extrait, “Comme Avant”, présente des rythmiques assez surprenantes, influencées par la musique caribéenne…Au départ, je voulais faire un reggae mais cela a dévié sur des rythmes Zouk (rires), j’ai choisi ce son comme premier extrait car c’est le meilleur compromis pour arriver en douceur.
Est-ce que cette production n’a pas surpris Youssoupha ? Non car c’est arrivé au moment où il avait besoin de s’ouvrir (après l’épisode “Menace de Mort”), ça ne le dessert pas du tout, au contraire, ça lui donne l’occasion de montrer l’éventail de son art.
J’avais lu dans une interview que tu ne voulais pas faire de featuring, tu as changé d’avis ? (rires) A cette époque, je n’avais pas écrit “Comme Avant”, ni même le moreau enregistré avec Kamnouze, mais lorsqu’on a commencé à les composer, c’est devenu comme une évidence !
Cisko t’a aussi amené vers une musique à l’esprit plus revival sur “Parce Que C’est Toi”. T’es-tu laissée influencer ? Ce n’est pas que je me sois sentie influencée mais l’instru se prêtait bien à la mélodie, et à partir du moment où j’ai trouvé que c’était réussi, je ne me suis pas posé d’autres questions, à savoir, si ça rentrait dans telle ou telle case.
Pour continuer sur les producteurs, peux-tu nous parler de James BKS que tu as découvert sur MySpace ? Il nous a envoyé quelques prods, on l’a connu il y a 4 ans et, entre temps, il a sacrément évolué. C’est un virtuose, si je ne l’avais pas rencontré, je n’aurais pas lancé l’album. Ses instrus m’ont tellement poussée que j’ai été obligée de me mettre dans une phase de création spéciale pour être à la hauteur.
Quels sont les autres producteurs avec lesquels tu as travaillé ? Il y a Trafeek Music. Ce sont des mecs qui en veulent, jeunes et dynamiques, ils m’ont impressionnée. Il y a aussi des anciens comme Matt Houston, mais aussi Berny Craze.
Sur ton album ne figure pas “Sauve Le Monde” et “Danse Sur Tout”. Pourquoi ?“Danse sur tout” n’y figure pas car je pensais que l’album sortirait plus tôt. Quant à “Sauve Le Monde”, c’était un thème sur lequel j’avais pris position, mais comme l’album n’a pas suivi, je suis passée à autre chose.
Qu’est-ce que t’écoutes en ce moment, niveau rap français ? Youssoupha, Booba, Sexion d’Assaut, pas mal d’artistes qui passent à la radio aussi.
Et si, parmi tes nombreux featurings, tu devais en refaire un, lequel choisirais-tu ? Je ne sais pas… Pour moi, quand un feat est fait, il est fait. Ma vie ne tourne pas autour des feat. J’ai plutôt envie de faire des rencontres avec des gens différents, avec Laurent Voulzy par exemple ! C’est le genre de connexion qui peut m’apporter autre chose. Je regrette qu’il y ait une frontière, ici ce n’est pas souvent que tu verras une combinaison du genre Mary J. Blige et George Michael.
Pour finir, si tu devais nous soumettre ta playlist du moment ? Snoop Dogg avec Wiz Khalifa (ndlr, K-Reen chantonne alors le morceau), le dernier Chris Brown, le premier album de Jazmine Sullivan, l’album “Tonight” de Silk… Mais j’essaie de ne pas trop écouter de sons car des fois ça ressort en création.
Merci K-reen, et bon courage pour la suite !
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