15h, Fnac de Châtelet, les mains dans les bacs de CDs du rayon Soul / R&B, le téléphone sonne, j’arrive à sortir mon portable pour lire le texto de Quinze que je viens de recevoir, celui-ci m’annonce qu’il aura un peu de retard et qu’il arrivera à 15h15… Véridique ! Cela ne s’invente pas ! Quelques minutes plus tard, un appel, et j’aperçois celui qui, quelques mètres plus loin, avait un bout de rayon consacré à son nouvel album. Salutations, puis l’on sort s’installer dans un lieu plus au calme afin de commencer l’interview.
Salut Quinze, on va entrer dans le vif du sujet : tu sors ton second album officiel, intitulé Oublions. Pourquoi ce titre plutôt qu’un autre ? « Oublions » était tout simplement le premier morceau maquetté, et il m’a donc paru naturel que l’album porte ce titre. Il n’y a aucune autre histoire derrière cet intitulé.
Qu’est-ce qui t’as inspiré et pourquoi avoir choisi ces différents thèmes pour cet opus ? Comme tout le monde, c’est ce que je vis, ce que je vois, l’actualité qui m’inspire : d’ailleurs, je regarde beaucoup les infos, iTélé c’est ma chaîne ! Toutes ces choses éveillent forcément en moi différentes émotions qui inspirent donc ma musique. J’essaie d’écrire des textes conscients, qui véhiculent des messages, qui fassent réfléchir. Par exemple, dans « les Enfants », je parle des enfants soldats et de la chance d’être né ici. Les enfants sont notre avenir, il faut les respecter, les chérir. Dans « Mon soleil », c’est de l’universalité et l’égalité dont il s’agit : nous sommes tous égaux, que tu sois né en Asie, en Europe, ou en Afrique, c’est le même soleil qui nous illumine, on est tous de la même planète. Après, je fais du R&B. Dans le R&B, il y a forcément une part de légèreté, donc il y a également des chansons plus festives ou un peu plus mièvres.
T’es-tu entouré pour Oublions ou as-tu entièrement composé et écrit tes chansons ? Non, non, bien sûr, je n’ai pas fait cet album tout seul. « Oublions » est une collaboration avec LF et Isabelle Ngassam pour l’écriture. Il y a aussi différents compositeurs pour les prods : Mr D, Khalil Maouene, Xtazy, Mr Hype… sans oublier les musiciens. D’ailleurs, je distingue deux façons de travailler : le studio et la scène. Je suis un artiste scénique. En live, avec les musiciens, nous avons une approche beaucoup plus soul et nu-soul que les versions qu’on entend sur l’album et j’y retrouve mes influences originelles qui sont D’Angelo, Bilal, Robin Thicke. Sur CD, j’ai une approche plus R&B, qui est aussi une de mes principales influences. J’adore Ryan Leslie, pour moi, il réussit à allier toutes les bonnes choses de la musique actuelle, et c’est dans ce sens que j’ai voulu aller sur « Oublions ».
R-Les ? Ce n’est pas le producteur que j’aurais cité en premier en écoutant l’album. Ça m’évoque plutôt les récentes productions de The-Dream et Tricky Stewart. Ah ouais ? Oui, oui, ce sont aussi des producteurs que j’aime beaucoup mais sur « Jamais » et d’autres morceaux, R-Les a vraiment été l’inspiration. Pour moi, je le redis, il représente vraiment le R&B d’aujourd’hui. Et j’aimerais vraiment aller davantage dans cette direction sur le prochain album.
Le prochain album est déjà en route ? Il est prévu, oui. Pas de date de sortie, mais on travaille déjà dessus. Donc c’est sûr qu’il sortira.
Faudra-t-il encore attendre 4 ans ? (Rires) Non, non. Le but est de sortir un album chaque année, vers la même période : Mai 2011. J’espère sortir le 3ème, ce serait bien. En tout cas, c’est mon objectif.
Toujours en auto-production via ta structure Animama Prod ? Oui toujours auto-produit mais je suis dorénavant sous licence. J’ai quand même le soutien de Satellite Music, qui s’occupe de la distribution de l’album, de la communication, de la réalisation des clips. Il y en a deux de prévus. Je le faisais déjà avant, et je continue de le faire, mais ça me soulage une partie du travail. Disons que là, on sera logiquement deux fois plus efficaces, deux fois plus visibles.
Quelles sont les principales différences d’un tel lancement par rapport à celui de Girlfriend justement ? Plus de visibilité, c’est certain ! Bon, pas la même que Ben l’Oncle Soul qui est chez Motown, mais Satellite Music, c’est quand même de l’indé de luxe. NOV (Monsieur Nov, ndlr) est d’ailleurs chez Satellite aussi.
C’est ce qui explique que tu aies attendu aussi longtemps avant de relancer un autre projet ? Non, c’est aussi une remise en question, remise en question d’après moi nécessaire après un album. Il y avait des bonnes choses comme des mauvaises dans l’aventure « Girlfriend ». Par exemple, le moins bien, je me suis rendu compte de mes limites dans l’auto-production. Il est important de bien s’entourer et aujourd’hui, c’est le cas avec Satellite Music. Je voulais aussi prendre du recul, ne pas me relancer tout de suite. J’avais besoin de me retrouver artistiquement. Et sur « Oublions », c’est du 100% Quinze !
Ce n’est pas une question piège mais n’est-ce pas ce que tu disais déjà pour Girlfriend ? (Rires) Ah ouais ? Faudra que tu me retrouves ça. Mais de toute façon, le changement fait partie de l’homme. Tout le monde évolue et sincèrement, « Oublions » représente vraiment ce que je suis aujourd’hui et j’en suis fier, très franchement. Fier aussi parce que je reviens à mes classiques R&B : j’ai commencé avec Hasheem, Cut Killer. Ceux qui m’ont connu dans ce registre vont être contents de me retrouver dans cet exercice. L’univers de « Girlfriend » est quelque part un peu toujours là aussi. C’est un album complet, et je vais essayer d’être encore plus complet pour le prochain. Je suis du genre à toujours repousser mes limites.
Oui, je t’ai d’ailleurs connu lors d’une scène au Batofar en 2005, avec des titres plus Soul / R&B tels que « Sur tes lèvres », « Formaté », « Madame », « Porte de la Chapelle », « Et si ce soir », « A ceux célèbres ou pas ». Ton dernier album Oublions sonne beaucoup plus R&B contemporain, et le précédent, Girlfriend, présentait également une autre orientation plus pop et colorée. Je te sais très ouvert musicalement mais arrives-tu as définir ta musique ? J’écoute de tout mais principalement du R&B, de la Soul et du Hip Hop, beaucoup de Hip Hop. J’écoute un peu moins de rock qu’auparavant mais j’aime beaucoup les groupes Rock/électro tels que MGMT ou Empire of Sun. J’aime aussi le groupe anglais Block Party. Maintenant, moi, Quinze, je reste totalement R&B. Je trouve même nécessaire qu’on me catalogue R&B, car en France, on a besoin d’étiqueter. J’ai d’ailleurs un peu souffert de cela avec « Girlfriend », car je n’étais pas tout à fait R&B, ni tout à fait Soul, ni tout à fait pop… J’étais hybride. On aurait été en Angleterre ou aux Etat-Unis, ça serait passé… Mais en France, ça n’a pas fonctionné. Donc j’insiste : je suis un artiste R&B, et avec « Oublions » je pense avoir bien recadré les choses. Le 3ème album sera dans cette continuité. Puis, une fois, la notoriété installée, j’irai dans l’expérimentation plus éclectique comme avec « Girlfriend », qui a peut-être été lancé un peu prématurément.
C’est une critique pertinente. Cela vient de ton introspection ou c’est une influence extérieure, Satellite Music peut-être, qui t’a “drivé” dans ce sens en te disant « refais du R&B ». Non, bien sur, c’est ce que je pense moi mais j’ai aussi écouté le public, les professionnels, c’est normal dans une remise en question. Et Satellite n’a rien à voir dans mon choix, la rencontre s’est faite sur le tard, l’album était déjà quasi bouclé quand cela s’est fait. Et puis, ils ne s’occupent pas de la production, eux gèrent uniquement la promotion et la communication. C’est avec la réaction des médias vis-à-vis de « Girlfriend » que j’ai compris beaucoup de choses. Un exemple : les magazines que j’ai contactés. Pour les Inrocks, j’étais trop Soul/R&B tandis que pour Groove, j’étais trop pop, etc. Je pensais avoir fait un album accessible mais au final, je n’ai convenu à personne et ne suis rentré dans aucune catégorie. Donc pas de papiers dans la presse, pas de playlist en radios. Du coup, tu te dis que tu ne referas pas deux fois la même erreur, et j’ai ainsi fait un album beaucoup plus ciblé.
Si l’on considère que 1994 est l’année de tes débuts avec la mixtape C’est de la balle, en 2009, tu aurais pu fêter quinze ans de carrière… un clin d’œil idéal vis-à-vis de ton pseudo, non ? (Rires) c’était prévu, l’album devait même sortir en 2008, mais les choses ne se sont pas emboitées comme on le voulait (même en 2009, j’étais persuadé qu’il allait sortir). C’est en fait la rencontre avec Satellite qui a été déterminante. Mais bon, tant pis pour les 15 ans.
… en fait, je sais que tu ne dévoiles pas facilement le pourquoi de ton pseudo… C’était une question piège pour en savoir plus ! Tu ne souhaites toujours rien dire ? Ah d’accord ! Non mais je vais te le dire. En fait, c’est mon chiffre porte bonheur. Je suis né un 15 janvier. Et puis, quand j’ai commencé à chanter, il me fallait un nom de scène et j’étais fan de la BD « XIII », je me suis dit, on va essayer Quinze. Et voilà, exclu SoulRnB.com !
Ah ! Tout simplement ! Tu as commencé à faire tes armes avec Hasheem et K-Reen, considérés comme les pionniers du R&B français… Sans vouloir te faire passer pour un dinosaure, quel est ton regard sur l’évolution de la scène française soul et R&B actuelle ? Malheureusement, je vais avoir un avis un peu négatif. Pas artistiquement où la qualité est existante, mais médiatiquement parlant, il ne s’est pas passé grand chose en 15 ans, dans le R&B en France. Avec des Matt Houston, Vibe, Afrodiziac, on aurait pu croire qu’on se dirigeait vers le haut et que logiquement, après une décennie, on aurait du atteindre son apogée, comme le rap français, ou même le R&B aux États-Unis qui est la musique de base. En France, l’image du R&B a été abîmée, un peu comme la caricature du rap par Michael Youn avec Fatal, le R&B est considéré comme léger avec des textes non-travaillés où les chanteurs semblent ne pas avoir été à l’école : les fautes de français, la naïveté. Il y a vraiment tout à refaire.
Et avec la reconnaissance d’artistes comme Oncle Ben ou Nov, ne crois-tu pas que l’on se redirige dans la bonne voie ? C’est effectivement en train de prendre, mais ils arrivent avec une image Soul. Le terme R&B est encore dévalué. Moi j’arrive avec une image R&B, et je le revendique : je suis un artiste R&B, j’en ai rien à faire. Ben et Nov utilisent le mot Soul, jamais R&B et même musicalement, ils le sont effectivement, ils sont moins urbains, moins R&B, idem pour leur public qui est plus âgé. Amy Winehouse a ouvert des portes et Ben admet lui-même qu’elle lui a permis de sensibiliser un public à son univers. Pour en revenir à ta question, l’héritage que Hasheem et K-Reen nous ont laissé, il est pour des passionnés comme nous qui ont ce background. Mais les jeunes d’aujourd’hui ne les connaissent même pas. C’est dur.
En tout cas, tu te bats pour ces artistes : tu organises les vendredis Soul et R&B à l’Etage, tu animes 2 émissions radio, dont French Only où tu mets également en avant cette scène… Oui c’est de la PROMOTION, tu peux vraiment dire ce mot, de la PROMOTION pour la scène Soul et R&B. Je me bats pour que le public reconnaisse enfin notre musique. Sortir un album ou se produire sur scène c’est beaucoup de sacrifices. Si on ne se soutient pas les uns les autres, on risque de tout perdre.
Après ton expérience en major, tu expliques qu’à l’époque, les maisons de disques ne savaient pas travailler la Soul. On observe un regain pour ce courant musical avec Raphael Saadiq, Joss Stone, Duffy… Egalement Oncle Ben avec Motown France. Penses-tu qu’on ait enfin trouvé la recette aujourd’hui ? Pour être positif, on va dire que ça va dans le bon sens même si il y a encore beaucoup de choses à faire. Exemple : Ben l’Oncle Soul et Motown. Premièrement, j’suis content que ça se passe bien pour lui, et deuxièmement, il va ouvrir des portes à d’autres artistes et c’est aussi cela le bon dans l’histoire : les tourneurs se rendent compte qu’il y a un public et du coup ça profitera à tous les artistes Soul / R&B.
En parlant de tous ces artistes, quelles seraient tes collaborations rêvées ? Booba, je suis un fan de la première heure : les Lunatics, Time Bomb. Et en américain, Ryan Leslie ! Il synthétise vraiment le R&B que j’écoute en boucle.
Ça se goupille parfaitement avec la question suivante (rires). Quels sont les sons que t’écoutes en boucle ? Ciara – Ride (feat. Ludacris) Cassie – Sky Diver Timbaland – Say something (feat. Drake) Trey Songz – Say Aah Et des français pour faire la balance : Shuba-K – J’ai ce qu’il te faut Fays – Ange Gardien Kimy Claire – Femme
Tes prochains projets ? 2 clips : « Jamais », tournage d’ici juillet. Et « Tant besoin de toi », en septembre / octobre. Et un album en 2011, si Dieu le veut.
On te sait insatiable grand amoureux de musique, mais si tu te dévoilais un peu plus, quelles sont tes autres passions ? Je sais que tu aimes beaucoup l’univers japonais par exemple. Le cinéma ! J’adore les films de gangsters : « Donnie Brasco », « Il était une fois l’Amérique », « Les sentiers de la perdition », « Les infiltrés », etc. J’écris des scénarii, et dans mon ambition lointaine, j’aimerais faire des films, voire des courts-métrages. Même dans mes clips, je m’implique totalement : j’écris les scénarii de tous mes clips et même de ceux qui vont arriver !
Ca fait un moment qu’on échange par internet, tu es relativement présent sur la toile et reste très accessible. Internet, l’artistique, le pro et le perso, comment gères-tu ça ? Je ne gère pas, je suis nature, je ne vois pas l’intérêt de mettre de la distance, surtout en tant que musicien, c’est normal d’être proche de son public, c’est même à moi de venir à lui. Donc il faut être accessible, ça permet de rester connecté, de ne pas chopper le melon.
En tout cas, ça me fait plaisir de te rencontrer en live, même si je suis déjà allé te voir plusieurs fois sur scène, tu es la 1ère interview de SoulRnB, et tu as le dernier mot… La première ? C’est vrai ? Et bien un GRAND MERCI à SoulRnB.com, je soutiens SoulRnB, et longue vie à SoulRnB !!!
Nouvel album dans les bacs : Quinze – Oublions (31 mai 2010)
Myspace officiel : http://www.myspace.com/quinzemusic Facebook officiel : http://www.facebook.com/pages/quinze/50068023708
0 Comments
Très plaisant à lire, une interview pleine de révélation.
Yep notamment pour son nom de scène, ça fait longtemps qu’il voulait pas en dire l’origine ! 😉
J’suis trop fort, je peux avoir toutes les confessions de tous vos artistes préférés ! 😛
@Dizzle : Ok! Alors trouve moi ce que veut dire le “9 1 1 0 0 24” de Keith Sweat!.
A ce moment la je dirai que t’es trop fort! 😛
va voir sur ton mur !